J'ai perdu un bout de mon enfance
Je pleure de tristesse. Je pleure de soulagement. Je pleure de lui avoir tenu la main. Je pleure de l'avoir vu s'éteindre. Je pleure d'avoir été ce funeste messager auprès de chacun. Je pleure de fatigue. Je pleure d'épuisement. Je pleure parce que mon frigo est vide ou parce que j'ai oublié de vider la machine. Je pleure tous les jours et parfois même je crie.
Je ne me reconnais plus. Je suis lessivée, éreintée, à ramasser à la petite cuillère. La moindre petite chose à faire me demande autant d'effort que pour franchir une montagne. J'ai atteint mon 1% de batterie et je suis prête à m'éteindre.
Mais il faut tenir.
Tenir pour lui qui répondait toujours présent.
Tenir pour eux qui ont besoin de moi comme d'habitude.
A 36 ans, je découvre un état second de moi.
J'effectue les gestes tel un robot. Je suis morte de l'intérieur et il va me falloir du temps pour ranimer la flamme. Même m'occuper des enfants m'est pénible, leur trop plein d'énergie est comme une gifle donnée à son départ et pourtant ce sont eux qui me tireront vers le haut.
Je pleure de l'avoir perdu. Je pleure de le savoir mieux à présent. Je pleure sur ces dernières années où la maladie l'a arraché à nous.
Je pleure le matin, je pleure le midi, je pleure en pleine nuit.
Je pleure au volant de ma voiture. Je pleure devant l'école. Je pleure en poussant mon caddy.
Je pleure de découvrir tant d'amour autour de lui depuis son départ.
Jamais je n'aurais cru que les larmes puissent tant couler.
Jamais je n'aurais cru que ça serait aussi difficile.
Je me demande si un jour j'arriverai à sortir de cet état de tristesse permanente.
Je suis comme une coquille vide. J'ai perdu un bout de mon enfance. J'ai perdu un repère. J'ai perdu mon papa.
Papa a rejoint les étoiles le dimanche 11 septembre. De là-haut, il veille sur nous et à nouveau, il peut nous appeler par nos prénoms et nous reconnaitre. J'apaise ma peine en pensant qu'il est bien plus heureux maintenant sans cette maladie qui nous a volée nos dernières années...