Il est là
Vous êtes nombreuses à m'avoir si gentiment envoyé des petits mots pour prendre de mes nouvelles, savoir comment j'allais... Je n'ai pas beaucoup répondu, pas certaine de mes réponses, mais aujourd'hui je crois pourvoir dire que je vais mieux.
Chacun est différent, chacun gère l'après comme il peut.
Ce 11 septembre qui a bouleversé tous mes repères me parait bien loin même si ça ne fait que 2 mois et demi qu'il est parti. Oui je compte les jours.
J'ai repris pied depuis quelques semaines déjà. Je n'oublie plus les kidwshatelse aux activités, je ne zappe plus mes rendez-vous. Je ne pleure plus pour un rien ou parce qu'il n'y a plus de beurre dans le frigo ou parce que je n'ai pas pensé à laver le jogging de Mister E pour son multisports.
Je pleure dans ma voiture sur la route qui m'a conduite à lui une dernière fois et que j'emprunte depuis chaque mardi pour aider ma mère dans ses papiers. Ah l'administratif après un décès... je pourrais écrire un roman. Comme si vous n'êtiez pas déjà suffisamment assommée par la peine, il faut appeler, écrire, remplir des dizaines de formulaires, raconter son histoire encore et encore....
Le plus dur n'est pas son absence mais son départ que je revis en boucle tous les jours.
C'est fou comme la vie peut basculer en une poignée de secondes. Il est là, le sourire aux lèvres en attendant quelques petits points de suture et puis l'instant d'après il vous serre la main très fort, comme il ne l'avait plus fait depuis des mois, juste une dernière fois, comme un cadeau d'adieu.
Je revis sans cesse cet instant et les longues minutes qui ont suivi. Toutes ces blouses blanches ou vertes autour de moi, je ne me souviens d'aucun visage juste ces airs désolés... Et cette solitude sur le parking gris de l'hôpital un dimanche matin aux aurores... je n'oublierai jamais ce vide sidéral que j'ai ressenti, la supplication faite à ma soeur au téléphone à plus de 1000km "viens s'il te plait, viens" et cette sensation d'être immensément seule.
Le paradoxe aujourd'hui c'est qu'il est bien plus présent dans mon quotidien qu'il ne l'a jamais été.
Il est là dans la confiture de fraises qu'il adorait acheter par pot de 1kilo parce que c'était plus économique ou parce qu'il savait que ça ferait râler maman.
Il est là dans ma voiture dans chacun de mes virages quand j'appuie légèrement sur l'accélérateur pour que la voiture colle à la route comme il me l'avait appris pendant ma conduite accompagnée.
Il est là quand je fais travailler Mister E et que je perds patience, je me demande alors à chaque fois comment il faisait pour garder son calme quand je ne comprenais rien à mes exercices de physique ou de maths.
Il est là quand je râle après les enfants parce qu'ils n'éteignent pas les lumières des pièces dans lesquelles ils ne sont plus, lui qui détestait que tout reste allumé, "on n'est pas à Versailles, ici" aimait-il nous rappeler...
Il est là quand je demande aux kidswhatelse de faire moins de bruit dans la cage d'escalier parce qu'il détestait que ça résonne et que ça gêne les voisins.
Il est là quand je recommence 10 fois quelque chose et que je sais que j'ai hérité de son sens du perfectionnisme.
Il est là quand je mange un millefeuilles, son dessert adoré ou que j'entends une vieille chanson de Johnny, son chanteur préféré...
Il est là quand Little B regarde le ciel et qu'il nous demande où est l'étoile de Papy...
Il est là quand le soir je borde mes enfants et que je leur dis bonne nuit...
Il est là dans les silences qu'il aimait tant. Il est là quand je préfère observer plutôt que parler.
Il est là. Il est partout. Il sera toujours là.
Aujourd'hui, je vais mieux et je ne pleure presque plus.
C'est en grande partie grâce aux kidswhatelse, Papawhatelse et ma plus fidèle amie Capucine. Chacun à leur manière, ils m'aident à avancer et je les en remercie.
Le 11 septembre 2016, j'ai soudainement grandi plus vite que je ne l'aurais voulu. J'ai endossé un nouveau rôle : continuer à le faire vivre auprès de ses petits enfants, transmettre encore et toujours ce qu'il a été.
Je m'y attache chaque jour qui passe.