Moi, chef d'entreprise familiale
Dans un mois, cela fera très exactement un an que je ne travaille plus.
Un an que j'ai quitté un job qui ne me convenait plus, après une réflexion plus qu'intense.
Qu'ai-je fait de cette année?
La question me faisait jusqu'à présent suffisamment peur pour ne pas l'évoquer.
Mais pour être honnête avec moi-même, il faut que j'accepte de me la poser.
Alors ils sont passés où ces 11 derniers mois?
Je n'ai pas lu les 20 bouquins que j'avais en retard, ni fait le tour des 45 boutiques repérées depuis un bail.
Je n'ai pas non plus mis à jour mes albums photos papier (je crois d'ailleurs que je devrais arrêter avec ça, je n'arriverais jamais à rattraper les 5 dernières années de retard....).
Je n'en ai pas profité pour me remettre à la couture (même si ça ne saurait tarder depuis mon dernier atelier).
Je n'ai pas non plus couru les dernières expos en vogue à Paris ni vu les derniers films du moment au ciné.
Non, pendant ces 335 jours qui se sont écoulés (bien sûr) à la vitesse de la lumière, j'ai pris mon temps.
Flâner, savourer le temps libre, se laisser vivre, ne plus avoir d'horaire (juste les incontournables 8h30 & 16h15 pour l'école).
Récupérer mes enfants tôt, jouer avec eux en rentrant le soir, leur faire de bons petits plats (même si les pâtes restent un it menu incontournable), arriver à les coucher tôt (19h40 reste un record non réitéré!).
M'occuper de la maison, faire les courses, ranger, organiser, administrer, gérer.
Arrêter de courir après le temps, arrêter de se dépêcher le matin, arrêter de se dépêcher le soir, arrêter de vivre avec une montre dans l'estomac.
Voilà mon luxe depuis près de 11 mois.
Un luxe, car oui j'aime ma vie à la maison. J'aime être chez moi, gérer mon quotidien de femme, mon quotidien de maman.
En écrivant cela, j'ai comme l'impression d'énoncer un interdit, de briser un taboo.
Sûrement parce que vouloir s'occuper des siens à plein temps est vu pour une femme comme un renoncement à un épanouissement plus complet.
De mon côté, je ne renonce à rien : je comble surtout un énorme vide que j'avais depuis la naissance des kidswhatelse, ce besoin de m'occuper d'eux, de leur donner du temps autrement qu'entre 2 bains ou 2 diners.
Je déteste l'expression femme au foyer parce qu'elle est synonyme d'inactivité dans l'esprit des gens.
Or je suis loin d'être inactive.
Une femme au foyer est capable d'exercer plus de métiers que n'importe qui d'autre : gestionnaire de stocks/commandes/planning, banquière, comptable, infirmière ou pédo-psychiatre, cuisinière, logisticienne, informaticienne... sans oublier chef d'entreprise (qui fait tourner la baraque, hein??!).
Je suis tout cela à la fois et j'aime ça. Où est le mal? Je n'en vois pas.
Je n'en vois pas, et pourtant, ce mal je l'entends.
Je l'entends à longueur de journée, dans les questions posées qui reviennent si souvent : "et tu ne travailles pas? tu ne comptes pas rechercher un nouveau job? ah oui mais quand alors?"...
J'ai l'impression d'être sur le grill à chaque fois.
Comme si il n'était pas permis de rester chez soi, comme si l'épanouissement d'une femme ne passait que par le travail...
En ayant occupé les 2 positions, celle de la maman qui travaille non stop et celle de la maman à la maison, je me rends compte combien la situation de la femme, de la mère est ambivalente, contradictoire :
- Tu travailles? Ah oui mais alors tu ne t'occupes pas assez de tes enfants, tu es une mauvaise mère.
- Tu ne travailles pas? Ah mais tu n'es pas heureuse, il te manque quelque chose dans ta vie.
Je ne pense pas que l'épanouissement personnel soit une question d'activité professionnelle ou non.
L'épanouissement personnel est lié à nos émotions, à nos envies du moment.
On peut être épanouie dans son travail pendant un temps, puis la vie avançant on peut aussi avoir de nouvelles priorités, ressentir le besoin de se recentrer sur soi, sur sa famille.
C'est mon cas aujourd'hui. Je me sens bien chez moi. Ma situation me convient.
Mais je sais que la vie tourne, que mes envies changeront, comme elles ont déjà changé.
Rien n'est figé à jamais, tout évolue.
Il faut juste savoir s'écouter, trouver le bon moment et passer à autre chose.
Je ne sais pas ce que l'avenir me réserve pour les 11 prochains mois.
Mais je suis certaine d'une chose : c'est que là où je serais, je serais épanouie et fière de ma situation.
EDIT : je vous conseille vivement de lire le billet de doudette sur la question des choix assumés qu'elle a écrit suite à mon billet! Riche en éclaircissements!