Les messages de la vie
C'était il y a un peu plus de 7 ans.
Je me souviens encore de son coup de fil, 10 jours avant mon mariage, sa voix penaude au téléphone m'annonçant qu'il était trop fatigué pour pouvoir venir.
Lui c'était un copain d'enfance. En pleine santé, âgé d'à peine 2 ans de plus que moi.
Lui qui ne vivait qu'à 350km, lui avec qui j'avais fait les 400 coups pendant mes étés bretons, lui avec qui nous collions toujours la bande des grands sur la plage, lui avec qui j'avais creusé des centaines de trous dans le sable, passé des heures dans l'eau, navigué de longues journées, lui que j'avais suivi de nombreuses fois en vélo sur les petites routes de la pointe...
Lui qui comptait beaucoup pour moi malgré le fait que l'on ne se voyait plus énormément les dernières années... La faute à la vie, la faute aux kilomètres, la faute aux pièces rapportées. Mais rien de suffisant pour effacer les jours heureux de notre enfance.
Alors son coup de fil, je l'ai pris comme un coup de poignard.
Trop fatigué pour venir au mariage d'une amie d'enfance? On est trop fatigué pour un diner, pour une partie de tennis, pour une soirée d'anniversaire, pour un ciné ou une sortie shopping.
Mais trop fatigué pour un mariage? (mariage qui, soit dit en passant, n'arriverait probablement qu'une fois dans une vie?)
J'ai été terriblement déçue. Déçue de son absence, déçue de notre amitié qui visiblement comptait plus pour moi que pour lui, déçue de son excuse bidon....
Le jour de cet appel, je lui ai écrit pour lui faire part de ma tristesse. Pas une réponse. Ce jour là j'ai tiré définitivement un trait sur notre amitié, coupé tous les ponts.
Nos parents, amis, ont continué à se voir. Sa mère que j'apprécie énormément, était désolée, mais elle n'était en rien responsable. Par elle, j'ai continué à avoir de ses nouvelles indirectement ces dernières années. Je ne me reconnaissais en rien de ce qu'il était devenu.
Et puis je l'ai croisé par hasard il y a quelques jours pendant notre séjour breton.
5 petites minutes de bavardage poli, distant, froid.
Pas un mot pour papa dont il avait appris le décès, pas un mot pour nous, pour moi.... aucune question sur les enfants, sur ma sœur, sur la famille, rien. Enfin si, juste assez pour apprendre qu'il revenait d'un mariage (mais pas le réflexe ni l'envie de lui dire qu'il ne devait pas être fatigué - il n'aurait pas compris de toute façon) et que quelques jours auparavant il avait explosé le moteur turbo de sa voiture...
5 petites minutes inutiles, 5 petites minutes qui n'ont tourné qu'autour de lui, 5 petites minutes qui m'ont fait réalisé combien il avait bien fait 7 ans plus tôt d'être fatigué, combien je n'avais plus rien à voir avec lui, combien nos chemins avaient pris des directions diamétralement opposées.
Je me suis longtemps demandé ce que j'avais fait pour mériter aussi peu d'intérêt de sa part... J'ai compris aujourd'hui que ce n'était pas moi le problème.
Tour ça pour dire que sur le moment, la vie peut être dure, amère même mais des années plus tard, on réalise parfois qu'elle ne voulait que notre bien.
Il y a 7 ans, j'étais terriblement déçue.
Pendant 7 ans, j'y ai souvent pensé.
Aujourd'hui je suis libérée de cette déception. Je vaux bien mieux que cela.