Mon "grand"
D'ici quelques jours, commencera pour Mister E. une nouvelle étape.
Un traitement qu'il va falloir lui expliquer avec ses mots à lui, qu'il rejettera au moins au début, mais qu'il faudra pourtant qu'on lui impose.
Pour lui, pour son bien-être futur.
Depuis sa naissance, chaque rendez-vous chez le pédiatre était pour moi une épreuve.
Dès le début, Mister E. a décidé de jouer au chat et à la souris avec sa courbe de taille. Plus les mois passaient, plus il n'en faisait qu'à sa tête : ras le bol des standards, il suivrait la sienne, même si elle était bien en-dessous de ce qu'elle devait être.
Je me rassurais en me disant que nous, ses parents n'étant pas des géants, il n'en serait pas un non plus.
On me rassurait en me disant que les garçons grandissaient par a coup à des périodes données.
Chaque centimètre gagné d'une visite sur l'autre était pour moi une victoire.
Puis j'ai même changé de médecin, marre d'entendre répéter les mêmes phrases.
Au bout de quelques mois, la même rengaine était de retour.
Et le doute commençait à s'installer chez moi...
J'avais bien remarqué que ses amis grandissaient... lui aussi, mais un peu moins vite.
J'avais bien remarqué qu'il pouvait mettre les mêmes vêtements 2 hivers ou 2 étés de suite.
J'avais bien remarqué que Little B. le rattrapait au fur et à mesure.
J'avais bien remarqué les regards étonnés quand j'annonçais son âge.
Alors la question s'est finalement posée : et si vraiment, il y avait un problème?
Pour me rassurer et clore le débat une fois pour toutes, pour que l'on nous fiche la paix à lui comme à nous, on a décidé avec papawhatelse de faire les examens demandés : un dosage d'hormone de croissance, puis une IRM, et des stimulations de sa production d'hormone de croissance.
Quelques jours d'attente et le verdict est tombé : Mister E. présentait une déficience d'hormone de croissance.
Mon petit monde s'est écroulé. Il fallait prendre une décision.
Essayer de lui faire rattraper son retard ou le laisser grandir à son rythme et atteindre une taille qui pourrait prêter à moquerie...
Ce ne fut pas évident.
Je voulais qu'il soit un petit garçon comme les autres.
Je ne voulais pas qu'il souffre de sa différence... les enfants sont si cruels entre eux...
Je voulais qu'il continue à être insouciant et qu'on ne l'embête pas avec nos soucis d'adulte.
Je ne voulais pas que son quotidien d'enfant soit chamboulé.
Et puis il a fallu faire choix. Un choix d'amour pour notre enfant.
Dans quelques jours, nous commencerons le traitement.
Une petite piqûre, 6 jours sur 7, pendant 2 ans, le temps de voir comment Mister E. réagit et grandit.
Une petite piqûre pour quelques centimètres en plus.
Une petite piqûre qu'il va falloir lui faire accepter.
Une petite piqûre pour un grand bonhomme, si courageux, si fort, si déterminé, après tout ce qu'il a déjà enduré.
Une petite piqûre pleine d'amour et de confiance.
Je ne penserais pas qu'un jour les hormones de croissance feraient partie de notre vie.
Et pourtant, il va falloir vivre avec elles, au moins quelques temps.