Papy est malade...
Dans mes rêves et projections imaginaires de maman, mes parents étaient très présents pour s’occuper de mes enfants.
Je voulais qu’ils tiennent un rôle de grands-parents comme on les voit dans les films, qu’ils tissent une relation unique.
Que mon père aille les chercher chez Magic V. ou à la sortie de l’école.
Que ma mère leur cuisine leur plat préféré.
Que mon père leur fasse partager sa passion des petites voitures et qu’il leur fasse découvrir sa collection, qu’il constitue depuis sa plus tendre enfance (des milliers de miniatures attendent dans des cartons pour faire un tour… petit clin d’œil à Woody & Buzz…)
Que ma mère joue aux petits chevaux ou au jeu de l’oie, comme j’ai pu jouer avec ma grand-mère.
Que mes parents les emmènent en vacances.
Que mes enfants aient de vrais souvenirs de complicité, de moments partagés avec eux.
Mais tout ça, il n’y aura pas.
Pas de vacances seuls avec eux, pas de nuits chez Papy & Mamy, pas de moments exclusifs.
Pourquoi ?
Parce que la maladie d’Alzheimer m’a pris mon papa et qu’elle ne me le rendra pas.
Je me demande régulièrement quels souvenirs auront Mister E. et Little B. de ce papy.
Je n'ai que très peu connus mes grands-parents mais de chacun d'eux, je peux me remémorer une image, une histoire.
Alors que se rappeleront-ils de lui?
Ce papy, un peu lointain, un peu bizarre, qui dit « elle » au lieu de « il », qui ne parle pas beaucoup mais qui sourit sans cesse, qui oublie immédiatement ce qu’on vient de lui dire, qui a besoin qu’on lui explique deux fois une même chose avant de s’exécuter comme un petit soldat, qui cherche à nous faire plaisir avant tout.
Ce papy, qui a passé toute sa vie à travailler, pour élever ses filles, faire vivre sa famille, en s’oubliant soi-même.
Ce papy, qui une fois à la retraite aurait pu profiter de ses 5 petits-enfants, lui qui aime tant les enfants, lui qui sait bercer les bébés des heures durant, lui qui a une patience que bien peu de gens ont.
Ce papy, qui n’est plus tout à fait le même et qui s’éloigne un peu plus de jour en jour dans son monde à lui.
Ce papy, qui un jour ne les reconnaitra plus et qui leur demandera qui ils sont.
Quels souvenirs en auront-ils, eux qui ne l’auront connu que « malade » ?
Franchement je n’en sais rien.
Pour eux, c'est juste un papy ordinaire, un papy qui joue, qui leur fait des chatouilles, qui les fait rire et qui les taquine.
Quand j'essaie d'en parler avec Mister E., de lui expliquer, sa seule réponse est "Papy bobo non!".
Moi je pense au futur, aux questions qu'ils me poseront. Alors pour retenir le temps, je demande à l’Homme de faire un maximum de photos.
Des souvenirs sur papier glacé, c’est tout ce que je peux leur apporter pour le moment.
Plus tard, je leur raconterai des anecdotes sur leur grand-père.
Aujourd'hui, ce que je sais, c’est que dès qu’il aperçoit les enfants au bout du couloir, qu’il les voit débarquer dans l’entrée de leur appartement, son visage s’éclaire, le sourire apparaît et pour quelques instants encore, je retrouve mon papa.
Ses petits-enfants l'aident à tenir, le portent. Son plus beau cadeau c'est eux.
Joyeux anniversaire, mon petit papa à moi.
EDIT 1: Il est des sujets qui ne sont pas faciles à traiter. Ce billet en est un exemple flagrant.
Des semaines qu'il traine dans mes brouillons. Des jours à écrire puis tout effacer et ré-écrire...
J'ai toujours eu une certaine pudeur pour raconter et partager mes soucis familiaux.
C'est toujours difficile de mettre des mots sur des sentiments, de les entendre résoner à mes oreilles... comme si ne pas les prononcer, les rendait moins réel. Et pourtant...
EDIT2 : J'emprunte le titre de mon article à Miss M., ma nièce de 8 ans et demi.
Depuis que j'ai aperçu un de ses dessins sur le frigo de mes parents, où était écrit en gros "Papy est malade", son dessin me hante et me peine.
J'ai réalisé qu'elle n'était plus la petite fille dont je m'étais tant occupée, mais qu'elle était maintenant suffisamment grande pour se rendre compte qu'il se passait quelque chose, que son papy n'était plus comme avant, et que par conséquent elle pouvait elle aussi souffrir de cette situation.
Comme sa maman, comme moi.