L'ambiguité parentale
Quand on devient parents, on apprend vite ce qu’est la torture des sentiments.
On est toujours partagé entre la fierté et la honte, le rire et les larmes, la satisfaction et l’appréhension.
Pour être plus claire, quand ils apprennent à se déplacer à 4 pattes ou en marchant, on est fière, et on a les larmes aux yeux.
Oui mais on se dit aussi que maintenant on ne va plus pouvoir les laisser seuls une seconde, qu’il faudra toujours avoir un œil sur eux pour éviter « LA » connerie qu’ils ne manqueront pas de faire dès qu’on aura le dos tourné.
Pareil quand ils apprennent à parler : quelle fierté d’entendre la première phrase, de comprendre ce que veut son enfant sans jouer à la devinette.
Oui mais on se dit aussi que c’était mieux avant que le moulin à paroles se mette en route, parce qu’il faut bien l’avouer parfois ils nous cassent les oreilles à répéter 15000 fois la même question.
Idem quand ils commencent à s’habiller tout seuls : qu’est-ce c’est chouette et si mignon de les voir essayer de mettre leur pantalon ou leurs chaussettes.
Oui mais on se dit aussi que le matin va bien falloir se lever 30 minutes plus tôt parce qu’à ce rythme là c’est pas gagné pour être prêt à l’heure….
Et quand ils font une connerie : parfois c’est tellement drôle que t’as du mal à te retenir de rire.
Oui mais on se dit qu’on doit jouer notre rôle de parents et sévir, punir la bêtise pour ne pas qu’ils recommencent.
Pour la propreté, j’ai découvert que c’était la même chose…
Déjà 3 semaines que Mister E. est propre le jour, sans accident.
Déjà 3 semaines que Mister E. ne met plus de couches la journée, où on ne demande plus toutes les 10 minutes « t’as envie de faire pipi ? non ? parce que si t’as envie, tu vas sur le pot, ok ? »
Déjà 3 semaines que j’admire le petit cul non rembourré de mon fils.
Quand ton enfant devient propre, forcément t’es fière et tu le dis à tout le monde. Tu le claironnes même sur tous les toits : « tu te rends compte, il a même pas 2 ans et demi et il est propre le jour, c’est chouette, hein ? surtout pour un garçon, c’est tôt, tu sais… parce que les mecs ils sont souvent en retard côté propreté…. »
Bref tu es la mère la plus heureuse et la plus épanouie.
Voir que ton petit bonhomme a réussi sans trop de difficultés à devenir (presque) un homme (il sera un homme le jour où il fera pipi debout), ça n’a pas de prix.
Enfin si ça a un prix : celui de toutes les couches que tu n’as plus besoin d’acheter. D’ailleurs ton porte-monnaie te dit merci, et le budget familial retrouve un peu de légèreté !
Seulement voilà, ce qu’on oublie de te dire quand tu te lances dans l’opération propreté, c’est que ta vie au quotidien va changer radicalement : tu es obligée de t’acheter un radar à toilettes.
Parce que le petit monsieur, quand il dit pipi, ben c’est tout de suite ou maintenant. T’as pas 10 minutes devant toi pour faire le tour du magasin et demander poliment à une vendeuse, qui s’offusque que tu l’interrompes dans sa conversation avec sa collègue, où il sont ces putains de toilettes !!!!???
Alors souvent dans ces cas là, tu te remémores avec nostalgie le temps où il avait une couche et que tu n’avais pas à te soucier si il avait envie de faire pipi ou caca, et surtout où l’envie lui prenait… C’était si bien…
Mais franchement c’est pas le pire….
Non le pire, c’est quand ton enfant décide d’être propre aussi la nuit, à 2 ans et demi.
Toi tu te disais que t’avais encore le temps d’y penser, en voyant ton neveu à 4 ans mettre encore une couche avant d’aller au lit.
Mais non.
Parce que Mister E. a décidé que la vie sans couches c’était mieux le jour et la nuit.
Alors quand à 3 heures du matin (toi qui ne t’es levé la nuit qu’occasionnellement…remember), tu entends une petite voix qui du fond de son lit crie « maman, pipi », tu te lèves en te disant avec fierté malgré la tête dans le pâté : « non c’est pas possible, je rêve !!! il réclame pipi la nuit, mais c’est génial !!! mon fils est formidable…».
Mais quand 1h30 plus tard, il te rappelle une nouvelle fois pour aller encore sur le pot, tu réalises qu'en fait, c’est pas si génial que ça...
Et c’est là que la torture des sentiments refait surface.
T’es crevée, tu rêves que de finir ta nuit et retourner sous la couette…
Alors forcément la première chose que tu aies envie de lui dire c’est : « mais mon chéri, tu sais, la nuit, tu peux faire dans la couche, la nuit tu peux…».
Mais y’a une petite voix, celle de la raison, qui te souffle « mais non, il veut être propre c’est une super initiative, lève-toi et mets-le sur le pot… »….
Alors tu te lèves, en regardant le réveil et en croisant les doigts pour que ça soit la dernière fois de la nuit qu’il t’appelle…
Ce matin, le sentiment qui prédomine malgré la fatigue, c’est la fierté.
Oui, je suis fière de mon fils.
Sans qu’on lui demande quoi que ce soit, sans qu’on lui impose une quelconque pression, Mister E. tente la propreté la nuit.
Si c’est pas le début de l’indépendance ça….