Ma tête de mule d'amour
L'année dernière, à bout de forces et complètement désemparée, je t'écrivais un petit billet d'amour dans lequel j'exprimais mon incompréhension et mon désarroi face à tes colères incessantes.
C'est un peu comme si tu l'avais entendu car pendant quelques semaines tu t'es calmé, tes crises ont été moins importantes... ou bien m'étais-je fait à l'idée que comme tu ne parlais pas c'était là ton seul moyen d'expression...
En début d'année, tu as remis ça : des colères, des cris, des cheveux tirés, des croquages de bras (je n'aime pas le mot morsure, tu n'es pas un animal mon fils....).
Un matin, lors d'une de tes énièmes comédies au moment de t'habiller, j'ai craqué : prête à te jeter contre le mur, je t'ai abandonné là, tout nu, par terre sur le sol, toi en pleurs contradictoires et moi en larmes d'effroi en pensant à ce que j'aurais pu te faire et je t'ai confié à ton papa.
Je n'en pouvais plus, j'étais à bout.
Devoir me battre avec toi pour chaque petit geste du quotidien, je n'y arrivais plus.
Alors nous sommes allés en parler tous les 2 avec un docteur un peu brut de décoffrage mais ces 2 heures nous ont fait le plus grand bien à toi comme à moi.
Moi j'ai pu lâcher tous mes soucis familiaux, pleurer, revenir sur les derniers mois assez durs que j'avais vécu avec ton papy et ta mamie.
Toi tu as pu entendre de la bouche d'une personne inconnue que ce n'était pas une façon de se comporter, que sa maman il fallait en prendre soin.
Ensemble, nous avons pu comprendre pourquoi tu te débattais de cette façon. Certes, tu ne parles toujours pas ce qui explique en partie tes mouvements d'humeur mais il n'y a pas que ça: toi Little B., tu n'aimes pas le changement.
Passer d'un état à un autre ce n'est pas ton truc.
T'interrompre au milieu d'une activité alors que tu ne l'as pas décidé, tu ne le supportes pas.
Inconsciemment je l'avais bien compris : ces derniers temps, je naviguais, négociais en permanence avec toi, anticipant tes colères, essayant de ne pas les provoquer.
Mais ce n'était pas la solution. Je m'usais plus qu'autre chose à chercher toujours à tout maitriser.
Alors toi et moi, nous avons parlé.
Droit dans les yeux, je t'ai expliqué que nous ne pouvions plus continuer comme ça.
Je t'ai promis de plus te parler, te préparer aux transitions, aux changement de situations quotidiennes : s'habiller, partir à l'école, prendre la voiture pour aller chez Magic V., rentrer le soir, prendre le bain, diner, se coucher... tout devait être formalisé pour que tu puisses l'anticiper, l'enregistrer, l'assimiler et prendre le temps de l'accepter.
Fini les compromis, on ferait comme moi je l'avais décidé.
Petit à petit, jour après jour, j'ai repris du terrain, cessé les conciliations en ta faveur pour avoir la paix.
Déjà 3 mois que nous fonctionnons ainsi tous les 2, et même si tu ne parles toujours pas, la communication entre nous s'est considérablement améliorée.
Aujourd'hui les colères sont très rares et quand elles ont lieu, elles ne durent pas très longtemps. Isolé dans ta chambre où je t'ai demandé de te calmer, tu reviens vite me voir tout penaud, les joues mouillées mais les yeux secs.
Tu as un vrai caractère de cochon : têtu, obstiné, opiniâtre, tu ne lâches rien ou presque.
Tu sais au fond de toi que j'ai raison, comme avant-hier avec le diner que tu as vu passer sous tes yeux... Depuis toujours, tu avais pour habitude de venir à table 20 minutes après ton frère: après avoir jeté un rapide coup d'oeil dans ton assiette, tu repartais dans ta chambre et pointais le bout de ton nez plus tard. Fatiguée de ces diners à plusieurs services, cela faisait quelques semaines que je t'avais prévenu. Je n'ai pas lâché, même si j'ai eu mal à mon coeur de maman de te voir partir te coucher le ventre vide. Mais le lendemain, tu avais compris : c'était toi le premier assis à table!
J'ai compris un peu tard que tu avais besoin que l'on te fixe des limites, qu'on arrête les petits arrangements. Ces mêmes petits arrangements qui me simplifiaient la vie sur le moment mais qui ne te rendaient pas service sur le long terme.
Aujourd'hui, je revis.
Je découvre un petit garçon encore plus tendre et sincère que je ne l'avais imaginé.
Un petit garçon calme, attentif qui comprend les choses quand on les lui explique.
Un petit garçon qui fait claquer sa bouche pour faire des bisous, qui tend les bras pour avoir des câlins et qui me tapote le dos de sa petite main comme pour dire "tu vas voir maman, ça va aller".
Tu croises encore les bras par défi en signe de protestation.
Tu restes malgré tout une vraie tête de mule, mais à ta décharge tu as de qui tenir... ta maman qui t'aime si fort.