Histoires de confinement J1
Depuis jeudi dernier, nous vivons un moment historique.
C'est ce que j'ai dit aux kidswhatelse quand ils se sont mis à hurler de joie en entendant Macron annoncer la fermeture des écoles.
Depuis, je n'ai de cesse de leur faire réaliser que cette situation est tout sauf normale, que ce ne sont pas des vacances et qu'il va falloir être prudent.
Comment faire prendre conscience à 3 enfants de 11, presque 10 et 5 ans et demi de l'intensité du moment que nous sommes en train de vivre?
Je leur répète en boucle que même pendant la dernière guerre mondiale (période de l'Histoire qu'ils adorent) les écoles n'avaient pas été fermées. Je leur explique qu'ils raconteront à leurs petits enfants ce qu'ils sont en train de vivre aujourd'hui.. Je leur dis d'ouvrir grands leurs yeux et oreilles, d'écouter, d'observer, de poser des questions... Je ne leur cache rien mais je filtre et je réponds à leurs interrogations. C'est important à mes yeux, si je veux qu'ils comprennent la gravité de la situation, sans pour autant les angoisser.
Pour l'instant, ils le vivent plutôt bien, dans la légèreté de leur enfance.
En cette première journée à faire l'école à la maison, tout en télétravaillant, c'est surtout Papawhatelse et moi qui avons eu du mal.
J'avoue que quand Mister E, Little B et Sweet A sont rentrés de l'école et du collège vendredi soir, j'ai eu envie de me rouler en boule et de pleurer. J'étais en totale déprime devant l'étendue du travail et des devoirs que leur avaient préparé leurs profs.
En plus de nos journées de boulot, on se retrouvait à faire la classe pour assurer la continuité pédagogique. Attention, je trouve ça très bien mais je crois que nos profs et maitresses n'ont pas mesuré la tâche qui nous incombait soudainement : assurer nos jobs à distance avec 3 enfants qui font du bruit (quand tu vis dans un 90m2 à 5, et on est déjà bien chanceux, on est quand même assez souvent les uns sur les autres et s'isoler est bien difficile...), faire la classe à 3 enfants de 3 niveaux différents, préparer les repas et gérer les craquages réguliers de l'un d'entre nous (le fameux coup de calgon où chacun à leur tour ils pètent les plombs, mais jamais en même temps, sinon c'est trop facile).
Bref, l'ampleur de la tâche me dépassait.
Cherry on the cake, Mister E était sensé passer ses journées derrière son iPad à suivre son emploi du temps, à répondre présent à l'appel de chaque prof et à les écouter ou les lire leur faire cours via un chat...
J'étais au fond du gouffre. Heureusement, les copains étaient là : un verre, une petite soirée à se soutenir mutuellement et j'étais prête à me battre, à affronter la situation et à y mettre le plus d'humour possible pour m'en sortir.
Ce matin, il a fallu que je me rende à l'école pour moi. J'ai récupéré tous mes fichiers de travail afin de pouvoir réaliser l'indispensable à distance.
Mister E, comme on pouvait s'y attendre, a regardé Ecole Directe, la plateforme collaborative, mouliner pendant 3h (forcément avec autant de connexions d'un seul coup au même moment, fallait pas être informaticien pour savoir que ça allait planter!!). Little B a suivi son programme de travail avec un peu d'anglais et d'histoire.
Quand je suis rentrée à midi, j'étais stupéfaite. Les gens faisaient la queue sur les trottoirs pour la pharmacie, les boulangeries, les tabacs, la supérette... J'avais juste besoin d'acheter quelques œufs pour faire un gâteau. Je me suis sentie très seule dans la file d'attente de la caisse avec juste ma boite d’œufs sous le bras, à côté des caddys remplis à ras bord.... Pénurie oblige, j'en ai été réduite à prendre la dernière boite du rayon, avec un œuf cassé à l'intérieur. C'était ça ou pas de gâteau.
Pardon mais ces comportements m'agacent vraiment. Pourrait-on commencer à réfléchir collectivement? A quoi pense cette dame sur le parking du supermarché quand elle montre fièrement son coffre plein à craquer au journaliste en disant avec un grand sourire "oh là c'est bon, j'ai de quoi tenir entre 3 et 4 mois!"?
Soyons solidaires, soutenons-nous les uns les autres, proposons notre aide à nos voisins plus âgées, mais arrêtons ces bêtises de stockage et d'accumulation.... Ah ça, il va y en avoir du monde qui va manger des pâtes au sucre durant les prochaines semaines! A moins que toutes ces nouilles achetées désespéramment ne servent de matériel pour les activités créatives des enfants? Vive les colliers de pâtes fabriqués pendant le confinement!!!
L'après-midi a été elle aussi bien remplie. J'ai fait la maitresse de CM1 tandis que Papawhatelse assurait le rôle de prof de français/maths/histoire géo/anglais/svt/physique chimie (rayez la mention inutile selon le moment) de 6ème de Mister E.
C'est à ce moment que notre Sweet A a eu un coup de blues. Personne ne s'occupait d'elle, elle s'ennuyait et a éclaté un sanglot...
J'ai compris à ce moment là qu'à 2, avec 3 enfants et seulement 2 bras chacun, cette continuité pédagogique et ce confinement, allaient être longs, très longs....
Heureusement Sweet A s'est vite calmée dès lors que j'ai commencé à lui faire faire aussi ses fiches d'activités données par la maitresse... mais arrivera-t-on à cette situation chaque jour de la semaine?
En fin d'après-midi, enchainant les mauvaises nouvelles côté boulot, Papawhatelse a craqué. Il a eu besoin d 'aller s'aérer et marcher un peu.
Dans la journée, j'ai lu aussi le témoignage d'une maman d'une lycéenne de l'établissement de Mister E, testée positive au coronavirus. En gros, elle expliquait que c'était bien beau et plein de bonnes intentions de vouloir continuer à faire travailler les enfants comme si de rien n'était à distance. Mais qu'il fallait qu'on garde nos forces pour se battre contre ce virus. Que leur famille était épuisée, confinée chez elle, chacun dans des pièces différentes, que son mari ne dormait plus à cause des douleurs, qu'il fallait 2 à 3h chaque jour pour joindre le SAMU et faire le point sur leur état de santé.... J'ai soudainement eu envie de tout envoyer balader : COD/COI, divisions, synonymes, poésie et graphisme.
Avec Papawhatelse, on a compris alors qu'on voulait profiter de ce moment de repli pour se recentrer sur l'essentiel : nos enfants, notre famille. Qu'importe si les devoirs ne sont pas parfaitement faits. Nous n'avons pas envie de passer nos journées à faire le gendarme et à crier pour les faire travailler. On fera notre maximum mais on ne se pliera pas en 4 non plus pour que tout soit parfait.
Notre but : passer de bons moments ensemble, faire des jeux de société, trouver des activités (atelier pâtisserie, préparation maison de savons et boules effervescentes pour le bain, bricolage et DIY en tout genre que j'empile depuis des années sur Pinterest... je crois bien que c'est enfin le moment de les réaliser!).
Je ne suis pas certaine que tous les français aient pris la mesure de la situation que nous vivons ou allons vivre. Moi-même parfois j'ai encore du mal à réaliser. C'est tellement irréel quand on prend un peu de recul et qu'on y réfléchit...
Je ne sais pas si je viendrais tous les soirs vous raconter nos journées. Mais j'ai à cœur de laisser une trace ici de cette période. De vous montrer, que derrière les jolies photos de plannings bien ficelés par certains parents et partagées sur les réseaux sociaux, il y a aussi des familles qui la jouent freestyle, en pyjama toute la journée. Et c'est aussi bien comme ça ;-)
A chaque jour suffit sa peine, comme je ne sais plus qui me le disait dans un lointain souvenir et c'est bien vrai. On va prendre chaque jour, l'un après l'autre, sans faire de plan sur la comète.
Savourons cette pause inattendue dans nos vies à 100 à l'heure et prenons soin des uns et des autres.
Rester chez soi ce n'est pas seulement se protéger soi-même, c'est aussi protéger les autres. Pensez-y si avant de sortir ;-)