Le retournement de situation
Des jours et des semaines que je dois écrire ce billet. Mais je ne sais pas comment m'y prendre.
La peur d'être incomprise, la peur de décevoir, la peur d'être jugée. Sûrement. Certainement. Probablement. Mais tant pis.
Je crois que je n'ai jamais eu aussi peur de publier un billet depuis 9 ans que ce blog existe.
Et puis devant tous vos messages adorables pour savoir où je suis et ce que je fais cette année, je suis bien obligée de me lancer.
Alors attention ça risque d'être long. Parce que vous avez été nombreuses à m'encourager, à me soutenir, à me suivre dans ma reconversion, je me dois d'être la plus franche et la plus honnête possible.
Je vais donc tout reprendre depuis le début.
En ce jour de rentrée, hier, j'étais bien à l'école, mais pas seulement pour accompagner mes enfants.
Oui mais pour y faire quoi??? Ah ah ce suspense!!!!
Il y a 2 ans, quand je suis devenue professeur des écoles suppléante, même en adorant ce que je faisais, j'ai toujours su au fond de moi que je n'exercerais pas ce métier pas jusqu'à ma retraite.
Tout simplement parce que ce métier formidable, et je le dis en tout franchise, compte tenu de ce qu'il m'a apporté durant 2 ans, est un métier à la fois épuisant physiquement et psychologiquement et surtout très prenant.
On se lève en pensant à sa classe, on travaille à chaque moment de libre de la journée, on prépare le soir et les week-ends sa journée du lendemain ou sa semaine, pendant les vacances, on passe ses soirées à chercher des idées pour améliorer tel enseignement, on se couche en pensant aux corrections à faire le lendemain, on s'endort avec les problèmes d'un de ses élèves, on se réveille avec les soucis d'un autre....
C'est du non stop et on est bien loin des horaires 8h30-16h30 et des vacances toutes les 6 semaines les doigts de pied en éventail comme le pensent bon nombre de parents.
Tant que l'on n'a pas exercé ce métier, on ne peut pas comprendre la charge de travail qu'il représente.
Et puis il y a eu le concours. Pourquoi l'avoir passé?
Parce que quand je me lance dans une aventure, je le fais à fond et je vais jusqu'au bout du bout.
Parce que c'est moi, la perfectionniste (terrible ce trait de caractère quand on est instituteur parce qu'on est éternellement insatisfait et qu'on voudrait toujours faire mieux!), c'est moi qui avais besoin de savoir si après 6 ans de pause professionnelle, à la maison, à m'occuper de mes enfants, je valais encore quelque chose.
Cela peut paraitre idiot, mais à partir du moment où vous arrêtez de travailler, vous n'avez plus aucune reconnaissance sociale et ça, je peux vous le dire, ça fait mal à l'amour propre.
Alors ce concours c'était un peu le défi personnel de ma trentaine. Mon besoin de reconnaissance.
Avec 3 enfants et une classe, sans trop travailler, j'ai eu la grande chance de l'obtenir. Punaise si vous saviez quel bien ce petit mot "admis" à côté de mon nom et prénom a fait à mon égo...
Pile le jour de mes 39 ans, je réussissais un concours que nombreux avaient du mal à obtenir!! J'avais réussi et j'en étais fière. Vraiment. J'avais le sésame pour poursuivre ma reconversion et devenir titulaire.
Sauf que depuis plusieurs jours, j'étais tiraillée. Tiraillée parce qu'on venait de me proposer un autre poste, sans que je ne cherche quoi que ce soit. Une autre opportunité qui ne se représenterait pas 2 fois, une occasion qu'on ne m'aurait pas apportée sur un plateau si je n'avais pas travaillé dans l'enseignement.
Ce poste, je sais que vous l'attendez tous avec impatience, c'est celui de responsable financier de l'école de mes enfants.
Rien de trippant quand on lit ça comme ça. Sauf que pour moi c'est mon premier métier qui resurgissait.
Dans une première vie, j'étais analyste financier. Les chiffres c'était mon dada. Mais dans une entreprise du CAC40 avec des deadlines qui te font bosser tard le soir et parfois les week-ends, ça n'était plus tenable avec une vie de famille comme je la concevais.
C'est à contre-coeur que j'avais du arrêter, parce que ce n'était plus compatible avec ma vie personnelle, parce que je n'adhérais plus aux valeurs de l'entreprise, parce qu'après 2 congés maternité rapprochés, j'étais un peu au placard dans un job qui correspondait à mes compétences mais dont je détestais le secteur d'activité.
Et là, on me proposait de travailler en école, le milieu dans lequel je m'éclatais depuis 2 ans, celui où je me sentais à l'aise et enfin à ma place, à 5 minutes à pied de chez moi, avec quasi les mêmes horaires et les mêmes avantages en terme de vacances qu'institutrice, sans plus aucun boulot personnel pendant mon temps libre, mieux payée et tout ça dans mon premier métier que j'aimais tant à mes débuts, (oui j'adore les chiffres désolée, c'est comme un jeu pour moi!!). C'était juste incroyable. Comme si toutes les étoiles s'alignaient d'un seul coup.
Je sais pertinemment que si je n'avais pas eu ce parcours, on n'aurait pas pensé à moi pour ce poste. Si je n'avais pas été professeur des écoles pendant 2 ans, si je n'avais pas connu le milieu scolaire, si je ne m'étais pas tant investie, je ne suis pas certaine que l'on m'aurait appelée.
Alors la vie est bizarre parfois. Pas une opportunité de carrière pendant 6 ans et en l'espace d'une semaine, j'avais le choix entre 2.
Mon concours est malheureusement définitivement perdu et si jamais je change d'avis, il faudrait que je le repasse. Beaucoup pense que c'est dommage de ne pas avoir continué, mais je ne le vois pas comme ça. Même si je n'ai pas été plus loin, ce concours m'a surtout permis de reprendre confiance en moi, de réaliser qu'à 39 ans, j'étais encore capable d'arriver à quelque chose si je m'en donnais les moyens. Je l'ai fait, j'y suis arrivée et j'ai regonflé à bloc mon amour-propre.
Rien que pour ça, il m'a été très utile.
Très franchement, mon choix n'a pas été trop difficile.
Le plus compliqué dans tout ça a été de l'assumer auprès des autres et je m'en aperçois encore aujourd'hui avec vous.
L'assumer face à tous ceux qui avaient suivi ma reconversion vers l'enseignement, à tous ceux qui m'avaient encouragée et soutenue durant l'année de préparation du concours, à tous ceux qui admiraient mon parcours. Comment leur expliquer? Comment leur faire comprendre?
Peut-être n'y arriverai-je jamais, mais l'essentiel est que moi je sois aujourd'hui à l'aise dans mes baskets.
Alors peut-être qu'en lisant mon histoire, en découvrant mon choix, vous décevrai-je.
Peut-être... mais pensez à moi et dites-vous que je suis très heureuse de mon parcours, de tout ce que j'ai réalisé et surtout que je ne regrette pas un instant de ces 2 dernières années intenses, remplies de partages et de rencontres.
Ce sont elles qui m'ont amenée là où je suis aujourd'hui.
Et depuis 10 jours, derrière mon bureau, j'ai le sourire et je m'éclate.
C'est bien là le plus important.
PS1 : merci d'avance pour votre bienveillance... ça n'a pas été facile de raconter et d'expliquer mon choix, c'est un peu comme un accouchement!!!
PS2 : la tasse c'est un cadeau de départ, une sorte de dédicace, des 2 maitresses de CM2 avec qui j'ai travaillé tout au long de l'année dernière, des filles formidables qui m'ont soutenue dans tous mes choix... une vraie chouette rencontre comme toutes les maitresses que j'ai croisées sur mon chemin. Bravo à elles toutes de se donner toujours autant sans compter.