Notre voie lactée
Avec Sweet A., j'ai eu la très grande chance de commencer mon allaitement sans avoir à penser à le reprise du travail.
J'étais cette fois-ci libre de vivre mon aventure comme j'en avais envie, sans contrainte. Je ne savais pas pour combien de temps on était parti toutes les 2, mais le chemin était beau et on en profitait à fond.
Thelma et Louise dans leur décapotable, c'étaient un peu nous, vous voyez!
Il y a d'abord eu ses petits soucis avec le poids. Mademoiselle est sortie des courbes, poids et taille, courbe des bébés allaités ou non. Alors forcément l'allaitement ça interroge , ça titille... mais j'ai un super pédiatre qui ne m'a rien imposé et surtout qui n'a pas pointé du doigt l'allaitement comme unique responsable de ce fléchissement. On a tenu bon, on cherche toujours pourquoi cette demoiselle ne grossit pas ou très peu et on a repris notre petit bout de route toutes les 2.
Je dis toutes les 2, mais en fait on n'est pas vraiment seule. Dans nos bagages, on a fait une petite place aux hommes de notre vie, Papawhatelse et les boyswhatelse. Le temps d'une pause, les frangins et le papa, se joignent un peu à notre "milk trip" à coup de biberon de lait maternel.
Il est beau notre chemin, rempli de câlins, de coups d'oeil complices, de petite main posée sur mon sein, de sourire et de partage, l'une contre l'autre, nos moments à nous, dans la folie du quotidien.
Mais depuis 8 ou 10 jours, notre voyage connait un petit ralentissement.
Je suis fatiguée, voire épuisée avec ce déménagement, cette bronchite et cette toux d'outre-tombe. Je sais bien que pour avancer, il faut recharger mes batteries, que je me repose le plus souvent possible, que sans ça, le carburant viendra à manquer. Facile à dire.
Il a fallu mettre les bouchées double la semaine dernière et en plus de ne pas assez boire et de mal manger, pas franchement équilibré, j'ai pioché dans mes réserves.
Et je ressens tous ces petits soubresauts sur la route avec Sweet A. Elle n'est plus aussi à l'aise qu'avant : elle se tortille, elle chouine, elle n'a plus l'air sereine, même les nuits deviennent compliquées... bref les tétées ne sont plus des moments de calme et d'apaisement comme on en a pu en avoir depuis le début.
Hier midi à bout, épuisée et excédée de l'entendre pleurer et de ne pas arriver à la satisfaire, je lui ai donné son premier biberon de lait maternel, enfin mon premier à moi, parce que elle, elle est déjà bien rôdée.
Pendant qu'elle l'engloutissait, je n'ai pas pu quitter son regard : ses grands yeux gris me regardaient en se disant "tiens aujourd'hui, je mange et je peux te voir en même temps!", à la fois surprise et heureuse.
Dire que je n'ai pas pleuré, ça serait mentir. Mais je n'ai pas pleuré de tristesse. Non j'ai pleuré parce que j'ai réalisé que j'étais à la croisée des chemins, que notre voyage touchait peut-être à sa fin et que je ne savais pas quelle route je voulais emprunter : m'obstiner et relancer ma lactation? tout arrêter et filer acheter du lait en poudre? panacher un peu, en mélangeant biberons et tétées?
Voilà mon problème aujourd'hui : je ne sais pas ce que je veux.
Continuer pour moi, par égoïsme? Arrêter pour faire plus de place aux autres? Persévérer pour elle? Arrêter par facilité et simplicité? Continuer pour prolonger nos moments à toutes les 2? Arrêter pour commencer une nouvelle aventure?
Je ne sais pas, je ne sais rien et c'est en ça que mon horizon est bouché.
Thelma et Louise sont en panne, tournent au ralenti : on n'a plus de GPS, ni de carte michelin, on s'embourbe un peu...
Je ne veux pas continuer pour de mauvaises raisons. Mais je ne veux pas non plus m'arrêter à la première embûche.
Je ne suis pas faite pour un allaitement qui dure des mois et des mois. Mais je ne sais pas quand décider de m'arrêter.
J'ai tissé un lien très fort avec ma fille, unique et rien qu'à nous et j'ai peur qu'emportée par le quotidien, je lui réserve moins de temps à l'avenir.
Je sais juste que je ne veux pas que notre chemin s'arrête dans les larmes, ni dans les miennes, ni dans les siennes, et qu'il va falloir trouver un compromis entre elle et moi.
Bref, je suis un peu perdue mais le plus important, comme me l'a dit très justement hier Sophie sur Twitter : je dois faire ce qui me convient à moi. Je dois être heureuse, car si je ne le suis pas, mon bébé ne le sera pas non plus.
Alors je vais écouter mon coeur, chercher mon bonheur, retrouver un peu de calme et me reposer, puis je la regarderais droit dans les yeux et je suis sûre qu'elle saura me dire ce qu'elle veut.