Présent mais absent...
Se souvient-il du 14 janvier?
Sait-il qu'aujourd'hui il souffle sa 73ème bougie?
Se rappelle-t-il que ses petits enfants sont venus lui rendre une visite à Noël?
Non assurément non.
Il nous voit, un sourire passe sur son visage quand il nous aperçoit puis il se recroqueville.
On lui parle, il écoute puis il murmure des mots quasi incompréhensibles.
C'est ça Alzheimer.
Des gens qui vivent dans leur bulle coupés du monde, loin des êtres qui leur sont chers.
Je me souviens encore quand je lui ai annoncé il y a un peu moins d'un an qu'il allait être grand-père une 6ème fois. Il a tendu l'oreille, hoché la tête, sourit, puis m'a demandé de quelle couleur elle serait... Plus de 40 ans comme ingénieur dans l'automobile, forcément ça laisse des traces. Non je ne lui parlais pas de voiture bien évidemment. Cela peut paraître terrible comme anecdote mais moi elle me fait sourire et m'attendrit. Ce jour-là je sais qu'il a compris qu'il se passait quelque chose d'important dans ma vie. Il a voulu à tout prix me répondre même si les seuls mots qui lui venaient à l'esprit n'étaient pas les bons. Il voulait que je sache qu'il était bien là à côté de moi et pas dans son monde pour une fois.
Je pense à mes enfants qui n'auront jamais connu leur grand-père taquin, joueur, parfois pince sans rire.
Je pense à Sweet A. qu'il ne prendra jamais dans ses bras, dont il ne prononcera jamais le prénom. Jamais il ne lui racontera d'histoires, jamais elle ne sautera sur ses genoux.
Je ne sais pas si il a conscience qu'elle existe mais quand il la voit il tend son petit doigt vers elle.
Je ne sais pas si il sait que cette petite fille c'est un peu de lui aussi...
Je ne sais pas si un jour il aura des sentiments pour elle et si il en a encore pour nous mais moi je m'en fous : je l'aimerai pour lui, je lui raconterai qui était ce grand-père un peu étrange, un peu voûté, qui ne parle pas ou qui marmonne de drôles de choses, cet homme qui dit bonjour madame à sa fille, ce monsieur à qui on tient la main comme à un petit garçon, qu'il faut sans cesse surveiller, qu'on doit aider à s'habiller ou à manger.
Un jour on m'appelera pour me dire qu'il est parti définitivement dans son monde.
Ce jour-là je pleurerais c'est certain, mais les larmes seront moins nombreuses qu'elles auraient du être... Car elles coulent déjà depuis bien longtemps, chaque fois que je lui dis aurevoir derrière la porte vitrée et qu'il ne répond pas à mon petite signe de la main, chaque fois que je pense au grand-père qu'il aurait pu et qu'il aurait dû être avec mes enfants et qu'il ne sera jamais, chaque fois que j'entends un kidswhatelse me dire qu'il ne veut pas aller voir papy.
Et même si j'ai fait mon deuil de l'homme, du mari, du papa, du papy que j'aurais aimé qu'il soit, ça fait toujours aussi mal, putain!
Joyeux anniversaire mon petit papa.
Je t'aime d'amour. Tu me manques.
PS : pardon pour ce billet un peu personnel, mais j'avais besoin d'écrire tout ça, noir sur blanc, parce que quand je lui dis, il ne m'entend plus, mes mots s'envolent et disparaissent.
Des mois que ce billet mijote, prêt à être publié mais jusque là c'est moi qui n'étais pas prête.